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Chroniques
Les aventures de Pinocchio
conte musical de Lucia Ronchetti
Publiée en 1883 à partir du feuilleton paru dans un journal pour enfants dès 1881 (Giornale per i Bambini), l'histoire de Carlo Collodi est reprise en gros caractères, mais avec exigence et exactitude, dans la dernière création de la compositrice italienne Lucia Ronchetti, laquelle s’adresse directement et inclusivement au jeune public.
Nouvelle œuvre de théâtre musical sur les traces du pantin chapardeur – à l’instar de l’opéra de Jonathan Dove [lire notre critique du DVD] –, Les aventures de Pinocchio a vu le jour en février dernier, à la Chapelle Corneille de Rouen, dans une mise en scène de Matthieu Roy. Son succès repose naturellement, avant tout, sur le soprano travesti en rôle-titre. C'est la principale et presque seule voix sur scène, mais elle évolue très souvent en interaction avec un grand complice musical, ici l'Ensemble Intercontemporain, à la fois commanditaire et comique, qui se charge d'incarner tour à tour la petite ménagerie des personnages rencontrés par le héros. Les spectateurs eux-mêmes sont invités à participer, de vive voix ou à l'aide de percussions.
Entrer dans la peau d'une marionnette parlante en portant seulement un costume moulant couleur chair, la gageure est soutenue par Juliette Allen. La captivante jeune chanteuse, sage conteuse et danseuse énergique, se démène comme un diable, à secouer les gones (petits Lyonnais !) mais aussi parfois à les enchanter par l'égale maîtrise du second rôle, féérique, de la Belle Fille aux cheveux bleus. Sur ce bel élan la singulière expérience de chant et de théâtre moderne, bien que menée à un rythme trop soutenu, comme pour condenser le récit original en un spectacle de cinquante-cinq minutes, réussit à plonger dans divers inconnus, suivant l'invention de Collodi, sans en donner une représentation claire.
Bien plus que le chiche visuel, la musique, même discrète pour un sujet si merveilleux, exprime, à des points très précis, le lyrisme et l'humanisme attendus entre les lignes d'un tel classique littéraire, filé d'aventures tant fantastiques que formatrices. Ainsi pour décrire mieux qu'un clin d’œil l'envolée d'un poussin à la brisure d'un œuf ou, avec plus de langueur, l'émotion des premiers pas de Pinocchio, ou encore son désarroi d’être détroussé par le Chat et le Renard, le savoir-faire de Lucia Ronchetti est saisissant pour une écoute agréable et intelligente de cette comédie instrumentale portée simplement par le cor, les cordes et les percussions. Plus débridées, les scènes de chahut donnent lieu à de sauvages défoulements de l'Ensemble Intercontemporain, poussé au bord du hard rock par sa batterie déchaînée.
L'acoustique de l'Auditorium Maurice Ravel rend justice à ce jeu de pistes sonores habile, peut-être trop pressuré et confondant pour un public enfantin peu familier du déroulement des péripéties de Pinocchio. Il ne goûtera pas certaines références historiques, par exemple quand le colosse Mangefeu (Nicolas Crosse à la contrebasse) apparaît sur une marche de Lully en frappant le sol d'une lourde canne. Mais en tout, les leçons à tirer du spectacle rappellent sans doute encore bien que chaque bambin a intérêt, si ce n'est plaisir, à suivre ce curieux héros dans sa course folle vers la vie d'enfant sage.
FC